Arrêt Soc., 22 mai 2019, F-P+B, n° 17-31.517

Il est possible d’inclure l’indemnité de congés payés dans la rémunération forfaitaire lorsque des conditions particulières le justifient mais cette inclusion doit résulter d’une clause contractuelle transparente et compréhensible.

Cette décision concerne les clauses insérées dans le contrat de travail qui prévoient l’inclusion de l’indemnité de congés payés dans la rémunération versée chaque mois. Ces clauses peuvent poser difficultés lorsque le salarié n’a pas pleinement conscience de percevoir chaque mois son salaire et une partie de son indemnité de congés payés.

En l’espèce, un salarié a été engagé le 1er octobre 2008 par une société en qualité d’avocat salarié en contrepartie d’une rémunération incluant les congés payés. Après avoir démissionné courant décembre 2013, il a quitté les effectifs de l’entreprise le 17 mars 2014. Il a saisi le bâtonnier de son ordre de demandes en paiement à titre d’indemnité compensatrice de congés payés, de bonus et de prime d’objectif.

La Cour d’appel déboute le salarié de ses demandes en retenant en substance que les dispositions du contrat de travail liant les parties concernant les congés payés sont claires, expresses et compréhensibles par le salarié. En effet, l’arrêt retient qu’aux termes de l’article 5 des conditions générales du contrat liant les parties, la rémunération a un caractère global et inclut la rémunération de la totalité des congés payés afférents à la période de référence légale ; qu’aux termes de l’article 1 des conditions particulières du contrat, la rémunération annuelle est composée d’une partie fixe d’un montant annuel de 70 200 € bruts, indemnité de congés payés de la période de référence incluse ; qu’à défaut d’une clause plus favorable au salarié, l’indemnité de congés payés est égale, en vertu de l’article L. 3141-24 du code du travail, au dixième de la rémunération perçue par le salarié au cours de la période de référence qui est, en l’espèce, l’exercice 2013-2014 jusqu’au départ du salarié ; que les dispositions du contrat de travail liant les parties concernant les congés payés sont claires, expresses et compréhensibles par le salarié ; que les clauses susvisées concernant les congés payés apparaissent donc valables ; que l’employeur produit le guide du calcul des congés payés en cas de départ en cours d’exercice ; que dans le bulletin de salaire du 1er mars 2014 au 17 mars 2014, date à laquelle le salarié a quitté l’entreprise, figure une indemnité compensatrice de congés payés acquis de 3 600 €  et une rémunération brute de 7 453,33 € ; que dans le décompte de rémunération pour l’exercice 2013/2014, la rémunération brute est de 34 981 € ; que le salarié, qui ne conteste pas que les sommes susvisées ont été portées sur les documents cités, n’apporte pas non plus de preuve qu’elles seraient erronées ; que le montant de l’indemnité de congés payés est supérieur à 10 % de la rémunération brute.

La Cour de cassation censure l’arrêt d’appel au visa de l’article L. 3141-22 du code du travail aux motifs d’une part, qu’elle avait constaté que le contrat de travail, en ses conditions générales et particulières, se bornait à stipuler que la rémunération globale du salarié incluait les congés payés, ce dont il résultait que cette clause du contrat n’était ni transparente ni compréhensible, d’autre part, qu’il n’était pas contesté que, lors de la rupture, le salarié n’avait pas pris effectivement un reliquat de jours de congés payés, la cour d’appel a violé lesdits textes.

La solution du présent arrêt est directement inspirée d’une décision de la Cour de cassation prononcée le 14 novembre 2013 (Soc. 14 nov. 2013, FS-P+B+R, n° 12-14.070 ; D. 2013. 2703  ; ibid. 2014. 302, chron. P. Flores, F. Ducloz, C. Sommé, E. Wurtz, S. Mariette et A. Contamine  ; Dr. soc. 2014. 94, obs. J. Mouly  ; RTD eur. 2014. 460, obs. B. de Clavière ). La motivation de cette solution réside dans le but d’assurer l’effectivité de la prise du congé considérée comme indispensable à la protection de la santé du salarié. Il fallait donc en déduire que ces clauses dite de « Rolled-up » sont valides en droit français seulement s’il apparaît clairement, lors du paiement de chaque échéance de rémunération, un versement de l’indemnité de congés payés distinct de celui du salaire.

Cette décision s’inspirait elle-même d’une autre décision de la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE) du 16 mars 2006 (CJCE 16 mars 2006, aff. C-131/04 et C-257/04, Robinson-Steele c/ R. D. Retail Services Ltd, D. 2006. 1329  ; ibid. 2007. 465, obs. F. Meyer  ; RDT 2007. 43, obs. M. Véricel  ; JCP S 2006. 1308, note G. Vachet). Dans cette affaire, la CJCE avait considéré que « l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/104/CE du Conseil, du 23 novembre 1993 s’oppose à ce qu’une partie du salaire versé au travailleur au titre du travail effectué soit affectée au paiement du congé annuel sans que le travailleur perçoive, à ce titre, un paiement en sus de celui versé au titre du travail effectué ». Elle ajoutait toutefois qu’il était possible à l’employeur d’imputer sur le paiement d’un congé déterminé effectivement pris par le salarié « les sommes qui ont été payées, de manière transparente et compréhensible, au titre du congé annuel […] ensemble avec la rémunération au titre du travail effectué ».

C’est donc une approche objective de la clause « transparente et compréhensible » qui est retenue par la Cour de cassation.

Par Wolfgang FRAISSE

Source : https://www.dalloz-actualite.fr/flash/indemnites-de-conges-payes-conditions-de-validite-de-clause-incluant-cette-indemnite-dans-sala#.XQNqxYgzaUk