Un décret n° 2009-1627 du 23 décembre 2009 vient définir les modalités d’exercice par les avocats de la fiducie.
Instaurée en France par la loi n° 2007-211 du 19 février 2007 et ouverte aux avocats par l’article 18 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie, dite LME (art. 2015, al. 2, c. civ.), la fiducie est l’opération par laquelle un ou plusieurs constituants transfèrent des biens, des droits ou des sûretés, ou un ensemble de biens, de droits ou de sûretés, présents ou futurs, à un ou plusieurs fiduciaires qui, les tenant séparés de leur patrimoine propre, agissent dans un but déterminé au profit d’un ou plusieurs bénéficiaires.
Alors qu’une ordonnance n° 2009-112 du 30 janvier 2009, prise en application de l’article 18-V, de la LME (Dalloz actualité, 3 févr. 2009, obs. Lavric ), était venue adapter les règles applicables aux avocats, notamment en matière de secret professionnel (et à la suite de laquelle devait être inséré un nouvel art. 6.2.1 au règlement intérieur national), le décret n° 2009-1627 du 23 décembre 2009 vient compléter le dispositif sur le terrain des modalités d’exercice et modifie en conséquence le décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d’avocat.
Pour l’essentiel, le texte entoure la mission de fiduciaire exercée par l’avocat de garanties de nature prudentielle, assurantielle et comptable au travers, notamment, de l’exigence d’une déclaration préalable au conseil de l’ordre, de la souscription d’assurances propres à cette activité, d’une comptabilité séparée et d’un compte spécialement affecté à chaque fiducie.
Sur le terrain prudentiel, l’article 123 du décret de 1991 impose désormais à l’avocat une certaine transparence tout au long de son activité fiduciaire, afin notamment d’assurer le contrôle du respect des exigences en matière d’assurance. L’avocat doit ainsi en informer par écrit, avant d’accomplir tout acte relatif à cette activité, le conseil de l’ordre dont il relève. Il joint à sa déclaration une attestation de souscription des assurances spéciales spécifiant le montant de la couverture accordée et sa période de validité. Elle est transmise, par l’avocat, au constituant et, le cas échéant, au bénéficiaire. Pendant la durée de l’activité fiduciaire, les attestations sont adressées chaque année par l’avocat au conseil de l’ordre. Elles sont adressées au constituant et, le cas échéant, au bénéficiaire dans le délai d’un mois à compter du renouvellement ou de toute modification des contrats d’assurance. Enfin, en cas de cessation de la garantie pour quelque cause que ce soit, l’assureur doit immédiatement en informer par lettre recommandée avec demande d’avis de réception le constituant, le bénéficiaire s’il y a lieu, ainsi que le bâtonnier.
S’agissant des garanties assurantielles elles-mêmes, on sait que la loi du 4 août 2008 a modifié l’article 27 n° 71-1130 de la loi du 31 décembre 1971 sur la responsabilité de l’avocat fiduciaire et prévu une obligation d’assurance spéciale qui peut être contractée pour l’avocat fiduciaire soit individuellement, soit collectivement par les barreaux. Dans ce cadre, le décret du 23 décembre 2009 modifie l’article 205 du décret de 1991 et exige que tout avocat exerçant en qualité de fiduciaire soit couvert contre les conséquences pécuniaires de sa responsabilité civile professionnelle, en raison des négligences et fautes commises dans l’exercice de ces fonctions, par la souscription, à titre personnel, d’une assurance propre à cette activité. Dans ce cadre, le contrat d’assurance ne doit alors pas comporter une limite de garantie inférieure à 1500 000 € par année pour un même assuré.
Un nouvel article 209-1 vient également compléter le décret pour exiger la souscription d’une assurance au profit de qui il appartiendra, propre à son activité, et garantissant la restitution des biens, droits ou sûretés concernés. Les contrats d’assurance ne doivent alors pas comporter une limite de garantie inférieure à 5 % de la valeur des biens immeubles et à 20 % de la valeur des autres biens, droits ou sûretés. Ces seuils ne préjudicient pas à la souscription volontaire, par l’avocat fiduciaire, d’une garantie financière supplémentaire.
Sur le plan comptable, l’article 231 du décret de 1991 prévoit que, lorsqu’il exerce en qualité de fiduciaire, l’avocat doit désormais tenir une comptabilité distincte, propre à cette activité (sur l’autonomie de la comptabilité chez le fiduciaire, V. art. 12 de la loi du 19 févr. 2007 ; V. aussi l’avis du Conseil national de la comptabilité n° 2008-03 du 7 févr. 2008, Dalloz actualité, 22 févr. 2008, obs. Delpech ). Il ouvre un compte spécialement affecté à chacune des fiducies exercées.
Enfin, l’article 235-3 du décret de 1991 prévoit que l’assureur auprès duquel est souscrite l’assurance prévue à l’article 209-1 a communication, sur simple demande, par l’avocat fiduciaire, de la comptabilité et, le cas échéant, du rapport du commissaire aux comptes afférent aux opérations de la fiducie. Il en est de même de la liste et des adresses des dépositaires.
On rappellera par ailleurs que le code monétaire et financier soumet l’avocat fiduciaire à des obligations déclaratives et de vigilance (V. not. art. L. 561-2, 13°, et L. 561-3-I, 1°, c. mon. fin.).
Par L. DARGENT
Source : https://www.dalloz-actualite.fr/breve/exercice-par-avocats-de-fiducie#.XQOKfogzaUk